Au début février 1990, j'ai alors 22 mois, maman reçoit un appel du département de neurologie de l'hôpital de Montréal pour enfants. Ils veulent que je sois hospitalisé pendant une semaine, pour différent test. Deux semaines plus tard, je suis donc hospitalisé. Ils me font différents tests comme un électroencéphalogramme. Ça c'est une machine qui vérifie l'électricité qui passe au cerveau. Il t'installe des électrodes sur la tête qui sont reliés à des aiguilles d'une machine qui fait la lecture de l'activité du cerveau. Ils m'ont passé un scanner pour aller voir l'état de mon cerveau. Ils m'ont fait jouer avec des jouets pour vérifier ma motricité. Le neurologue en chef est venu me voir à plusieurs reprises pour me regarder et parler avec maman. Au bout de deux jours à l'hôpital, le diagnostic est tombé. Juste à me regarder agir avec mes mains, le neurologue a confirmé que j'avais le syndrome de Rett. L'un des principaux symptômes du syndrome est le maniérisme des mains. Ce fut un choc pour mes parents car il savait que j'avais un problème majeur mais pas aussi grave. La première question qu'ils ont posée est, comment cela se peut-il ? Ils n'avaient aucun problème de santé majeur, aucun cas d'handicap intellectuel dans la famille. La seule réponse qu'ils ont eue pour les aider à comprendre pourquoi j'étais atteinte de ce fameux syndrome très rare, a été que je faisais partie des cas d'erreurs de la nature comme les trisomiques. Les médecins ont expliqué à mes parents ce qui causait le syndrome de Rett. D'autres intervenants sont venus les voir pour les aider à comprendre et faire des prévisions pour mon avenir. Il a alors été décidé qu'on devait me faire faire de la physiothérapie et de l'ergothérapie. La physio pour m'aider à apprendre à marcher et l'ergothérapie pour stimuler ma motricité fine et globale.

Donc, en avril 1990, j'ai maintenant 2 ans, je commence mes exercices à l'hôpital de Montréal pour enfants. Avec l'aide de la travailleuse sociale de l'hôpital, mes parents m'inscrivent à un programme au Centre Constance Lethbridge pour un an qui débutera en septembre. Ma grand-mère, qui me garde pendant que mes parents sont au travail, m'accompagne à ce centre, deux fois par semaine. Une fois par semaine, il y a un intervenante de ce centre qui vient chez ma grand-mère pour jouer avec moi. Il paraît que je l'aime beaucoup car je lui fais toujours de beau sourire quand elle arrive.

Ma grand-mère lui montre les progrès que je fais pour me lever debout toute seule. Faut dire qu'elle m'aide beaucoup en me montrant comment placer mes pieds pour me lever et m'aider à marcher sur le bord des meubles. Au bout de quelques mois de patience et de travail de la part de ma grand-mère, je suis capable de me lever toute seule et de marcher sur le bord des meubles. Mes grands-parents, mais surtout mes parents, sont très fiers de moi. Je peux maintenant me lever debout sur le bord du meuble de la télévision de mon grand-père et je m'amuse à fermer et ouvrir la télé. Mon grand-père fait semblant de ne pas être content et ça me fait bien rire. Je me rends à quatre pattes dans la chambre de mes grands-parents, je me lève debout sur le bord de la commode, j'ouvre les tiroirs et je vide tout. Pendant la période des fêtes, je me lève debout dans la porte patio et je joue avec les lumières de Noël.

Cette période a duré quelques mois jusqu'à ce que je tombe malade pendant quelques semaines et que j'oublie comment faire. C'est ça le syndrome de Rett. On apprend des choses pendant un certain temps et vlan, on les oublie aussitôt qu'un obstacle survient.

À l'automne de la même année, mes parents sont invités à participer à un congrès sur le syndrome de Rett qui se tient à l'hôpital Ste-Justine. Ils décident d'y aller pour en apprendre un peu plus sur ce syndrome car les informations sont rares. Étant donné que ça nous prenait un accompagnateur pour s'occuper de moi pendant que mes parents sont dans la salle, ma grand-mère décide de venir avec nous. Ouffffff, elle a trouvé ça dure car il y avait des filles Rett qui étaient plus atteintes que moi. Mes parents ont pu constater l'état des autres filles à l'heure du dîner. Ma mère était découragée de voir certains parents être obligés de gaver leurs filles pour qu'elles mangent. Moi je n'avais pas ce problème là, je mangeais très bien avec de l'aide et je pouvais mastiquer mes aliments. Nous avons dû quitter tôt le congrès car je pleurais beaucoup et j'étais inconsolable. Depuis quelques temps, j'avais souvent des crises de pleurs comme ça sans raison. Mes parents ont appris plus tard que c'était normal, qu'il y avait une période de crises incontrôlables et qu'il n'y avait rien à faire pour nous calmer.

À 3 ans, mes parents m'inscrivent à un autre programme semblable à celui du centre Constance Lethbridge, pour une période d'un an, mais cette fois à l'hôpital Marie-Enfant. Ils m'inscrivent également au centre de jour pour les 2 jours où j'irais faire mes petits exercices. Je ne marche toujours pas mais j'ai toujours mon quatre pattes. Mes maniérismes sont de plus en plus fréquents. Je mets tout le temps mon pouce gauche dans la bouche. Une éducatrice du centre de jour m'a même fait des petites mitaines sans doigts et avec un cordon pour les attacher pour m'empêcher de mettre mon pouce dans la bouche car il devenait tout ratatiner et la peau commençait à lever. Mes parents en ont parlés au physiatre qui m'a prescrit une orthèse pour empêcher mon coude de plier. Avec le temps, j'ai fini par oublier de mettre mon pouce dans la bouche et je n'avais plus besoin de mettre l'orthèse.

En février 1992, mes parents ont une rencontre avec l'équipe du programme. Il est question de mon inscription à l'école étant donnée que je vais avoir 4 ans en avril. Je commencerai à aller à l'école en septembre. Plusieurs choix leurs sont offerts et, selon mes besoins, ils choisissent l'école Peter Hall à Cartierville. J'aurai également mon premier fauteuil roulant pour être voyagé en autobus scolaire.

Au mois de mai, mes parents vont visiter l'école. Ils sont pratiquement en état de choc de voir tous ces enfants différents dont plusieurs sont multi-handicapés. Ils remercient le Bon Dieu d'être comme je suis, malgré mon handicap intellectuel majeur. Ma binette et mon sourire sont leurs récompenses.

Au mois de juin, maman reçoit un appel d'une intervenante qui a à coeur les filles Rett. Elle lui parle d'un camp de vacances d'été. Il est à St-Adolphe d'Howard, dans les Laurentides. Je pourrais, si maman le veut, y aller pendant une semaine. Maman me trouve bien jeune pour aller dans un camp de vacances toute seule car je n'ai que 4 ans. L'intervenante la rassure en lui disant qu'il y a une éducatrice par enfant, que se sont des personnes qui étudie en éducation spécialisée, qu'elles connaissent très bien le syndrome de Rett, que j'aurai tous les soins nécessaires et que ça lui permettrait de se reposer un peu. Maman en parle avec papa et ils décident finalement de m'envoyer dans ce camp pendant la première semaine de leurs vacances. Ils viennent donc me reconduire le dimanche après-midi. Ils visitent les lieux, ils rencontrent l'éducatrice qui va s'occuper de moi pendant la semaine. Naturellement, maman fait ses recommandations, exemple...je suis comme ci, je suis comme ça, je fais ci, je fais ça, etc..... :) Après une heure, mes parents doivent s'en aller mais maman est hésitante. Elle me prend dans ses bras pour me donner plein de bisous avec une grosse boule dans la gorge. L'éducatrice la rassure en lui disant qu'elle va téléphoner pour donner des nouvelles. Mes parents quitte le camp avec des larmes aux yeux, oui, oui mon père aussi. :) L'éducatrice à tenue parole et a appelé maman à deux reprises durant la semaine pour lui dire que tout allait bien, que je mangeais très bien, que je dormais toutes mes nuits et participait à toutes les activités. Le samedi suivant, mes parents reviennent me chercher. J'ai l'air en pleine forme et je suis même bronzé. Maman n'a pas regretté sa décision.

Au mois de septembre, c'est ma rentrée scolaire...oufffff quelle expérience ! :). C'est ma grand-mère qui assiste à mon premier départ pour l'école. Qu'est-ce que vous pensé qu'elle a fait quand l'autobus est parti ? Et oui, elle s'est mise à pleurer. Sa cocotte qui partait pour la journée. À mon retour de l'école, je dormais dur comme fer, j'étais épuisée. Il y avait dans mon sac un carnet de route qui indiquerait, à tous les jours, comment j'avais passé mes journées. Pour cette première journée tout semblait s'être bien passé. J'ai bien mangé, j'ai fait de beaux sourires et mon contact visuel a été très bon. C'est bon signe ça pour une fille Rett. :)

Quelques mois après mon début d'année scolaire, ma grand-mère constate, à mon retour de l'école, que je suis bizarre. Je suis couché par terre, j'ai les yeux tournés et mon corps bouge d'une drôle de façon. Elle en parle à mes parents quand ils viennent me chercher le soir. Mes parents pensent tout de suite à une crise d'épilepsie, car ça fait également partis des symptômes du syndrome de Rett. Ils décident d'attendre avant d'en parler au neurologue pour voir si je vais en faire d'autres. Maman dit à ma grand-mère de ne pas s'inquiéter, qu'il n'y a pas de danger, qu'elle doit faire ce qu'elle a fait si jamais ça recommence. Il n'y en a pas eu d'autres par la suite.